Le Fondateur

Jean Ignace de Froissard-Broissia

Lorsque l’on dresse la liste des lieux de charité à Dole au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, le nom de Froissard figure en bonne place parmi les bienfaiteurs de la cité. C’est dans cette noble et généreuse famille doloise que naquit Jean Ignace de Froissard-Broissia.

Son père, Jean Simon Froissard, seigneur de Broissia, Molamboz et autres lieux, avait épousé en 1614, Bonaventure du Moulin. De cette union naquirent dix enfants dont cinq seulement atteignirent l’âge adulte. Jean Simon Froissard avait sa résidence fixe à Besançon où l’appelaient ses fonctions de magistrat, son épouse et ses enfants vivaient à Dole dans l’hôtel particulier du seul frère qui lui restait, le Révérend Claude Froissard, prieur et seigneur de Fay, Laval, et Vaux-sur-Poligny.

En 1627, Jean Simon Froissard consigna en ces termes la naissance de son fils : «  Le quinzième de may, jour de sambedi, mil six cent vint sept, ma femme estant à Dôle, accoucha d’un fils, lequel a été levé sur les fonds de batesme par deux pauvres, et nommé Jean Ignace, scavoir : Jean à cause de son grand père, et Ignace par dévotion. L’on lui a donné pour nourrice une femme de Salins, nommée Marguerite Jouvain, femme de François Arbilleur de Beasançon, tanneur ». On lit en marge de cette naissance : « Cet enfant reçut le sacrement de confirmation et la cléricature ou première tonsure, le dimanche cinquième jour d’octobre, à Fribourg en Suisse de l’an 1636, par le Rev. Evesque de Lausanne de la maison de Watteville ; estant ma femme et mes enfans retirés à Fribourg pour le siège mis par les François devant Dôle, au mois de may de la mesme année. Il a esté receu chanoine à titre de noblesse en l’église métropolitaine de Besançon et neuvième d’oust mil six cent quarante et un. ».

Jean Ignace de Froissard, destiné depuis son plus jeune âge à l’état ecclésiastique, devint prieur de Vaux en 1650 à la mort de son oncle, le révérend Claude Froissard, dont il était « l’héritier universel ». Il hérita notamment, à Dole, de l’hôtel particulier dans lequel vivait son père, nommé en 1646 « Procureur Général du Roy et Conseiller au Parlement de Dôle ». Cependant Jean Ignace de Froissard ne resta pas dans son prieuré. De ses années d’enfance il avait gardé l’habitude des voyages et des séjours à l’étranger, son père n’hésitant pas à éloigner sa famille quand un danger menaçait : la peste tant redoutée en 1630, et les sièges de la ville par les Français, en particulier celui de 1636 qui laissa une ville exsangue et durant lequel ils se réfugièrent en Suisse.

Donc, il voyagea, cumulant titres, charges et diplômes. A Rome d’abord de 1650 à 1652, où il séjourna chez les Jésuites, obtint le doctorat de théologie, « l’ordre de prêtrise » et dit sa première messe. En 1652, retour en Franche-Comté où on le nomma trésorier du chapitre de Besançon, charge qui fut celle de son oncle. En 1660, il était à Dole et il passa un doctorat en droit. En 1666, il reçut la charge d’abbé de Cherlieu. Qu’il conserva jusqu’à sa mort et, en 1668, il fut nommé grand Chantre du chapitre de Besançon. En 1678 lors de la conquête de la Franche-Comté, il était en Espagne ! A Rome où il séjourna à plusieurs reprises, il fut « la providence des Comtois qui s’exilèrent à la suite de la conquête française » mais il y rencontra surtout Innocent XI. La bonté et la piété du « Chanoine au grand cœur »lui attirèrent l’amitié du pape, qui le nomma camérier d’honneur.

Il mourut en 1694 et l’événement est consigné dans le Livre de Raison de la famille Froissard-Broissia : « Le dix neuf may mil six cent nonante quatre, Messire Jean Ignace Froissard de Broissia, Abbé de Cherlieu, Prieur de Laval, Chanoine et grand Chantre en l’Eglise métropolitaine de Besançon, grand Camérier du pape Innocent XI, mourut en sa maison canoniale, au chapitre de Besançon, aiant receu tous les sacrements. Son corps fut inhumé le lendemain, jour d’Ascension Nostre Seigneur, en la chapelle du fut Sieur Capitain, en l’Eglise métropolitaine St Jean de Besançon, où Messire Jean Froissard de Broissia maistre des requestes, son frère unique. à luy survivant, conduisait le deuil ; et le cœur du défunt fut transporté à Dole et mis par dépost en la chapelle St Bonaventure en l’église des R.P Cordeliers. ››

Le testament de l’Abbé de Cherlieu

« Le testament mystique de M. de Cherlieu avait pour témoins le chanoine Receveur, les familiers Bouton et Brun tous de Dole. le docteur David, les serviteurs Chevillat de Pagney, Claude Bemard de Cromarey et le fils du notaire. Le dépôt eut lieu en l’étude du notaire “derrière la grande église”. L’enveloppe contenait sept feuillets tous écrits de la main du testateur, signés et paraphés par lui, à Besançon, le 10 mars 1689. On ouvrit le testament à Besançon le 21 mai 1694 et le greffier Jacques Perrot en donna lecture. Après les clauses de style, le prélat se recommanda à la Très Sainte Vierge et à ses saints de spéciale dévotion, Saint Jean, Saint Ignace “mes bons patrons”, saint Joseph, saint Bernard, saint Charles et son Ange Gardien. »

Le chanoine prit ensuite diverses dispositions testamentaires : s’il meurt à Besançon. il demande à être enterré à Saint Jean, mais il faudra auparavant que son cœur soit prélevé, placé dans une boîte en plomb et transporté à Dole dans la chapelle familiale, aux Cordeliers en attendant de pouvoir reposer définitivement dans la chapelle de la Maison des Orphelins.

Il procéda ensuite à un partage de ses biens dont il disposa d’une partie en ces termes : « Connaissant de quelle importance est une bonne éducation, et que plusieurs commettent des actions noires et infâmes contre la gloire de Dieu, le service du Roy et le bien de l’Etat, pour n’avoir pas été bien élevé étant enfants, et souhaitant coopérer de mon côté à y remédier; selon mes petites forces, je veux et ordonne que mon bien soit employé en une fondation que je fais d’un séminaire ou collège dans la ville de Dole. où seront entretenus et élevés dans les études, s’ils en ont le talent, dix-huit jeunes garçons orphelins de père et de mère, nés et procréés en loyal mariage, baptisés au comté de Bourgogne, de six à neuf ans au surplus, jusqu’à seize ans inclus. »

Dans ce testament, M. de Broissia exprimait son intention de réaliser ce généreux projet de son vivant et recommandait, dans le cas où il n’en aurait le temps, de prendre modèle sur la Maison des Orphelins Salviati à Rome. Il décidait également que six places d’orphelins, (sur les dix-huit de la fondation)  « pourront être occupées par six petits garçons nobles, orphelins de père seulement ; bien entendu qu’ils n’auront aucune distinction particulière parmi les autres orphelins, soit d’habits, nourriture ou séance ».